Saint-Aubin du Cormier (35)
Saint Aubin du Cormier est un de ces sites qui entrent très tôt dans l’histoire du duché de Bretagne et qui accompagnent toute l’évolution politique et économique de la région.
La ligne de crête qui domine un vaste paysage près de la forêt de Rennes où Pierre de Dreux aimait chasser lui donna l’envie d’édifier une forteresse : les travaux commencent donc en 1255.
Outre l’intérêt sentimental, le choix du site répond à d’autres impératifs :
– situé à quelques lieues des Marches de Bretagne, il est un passage obligé pour les Français qui montrent fréquemment des velléités d’invasion.
– Il permet également la surveillance du château de Vitré (le baron André III est le beau-frère de Pierre de Dreux mais ils sont tous deux en froid pour une affaire d’héritage). Fougères n’est pas loin non plus et mérite attention même si le duc est en droit d’espérer que le jeune Raoul lui restera fidèle. D’une manière plus générale, Pierre de Dreux pratique une politique de construction militaire intense pour se positionner en pouvoir central face aux grands féodaux armoricains qui se montrent souvent turbulents.
– Enfin, Saint Aubin est au centre d’une région agricole riche dont il convient de poursuivre le défrichement commencé il y a un siècle. Il faut alors assurer aux paysans et aux bourgeois que l’on attire ici une protection suffisante pour que l’endroit reste attractif. La bourgade sera aussi et pour les mêmes raisons dotée de nombreux privilèges (exonération des redevances seigneuriales en particulier).
Quelques précisions sur le promoteur de ce château : Pierre de Dreux, « bailliste » du duché de 1213 à 1237 (il meurt à son retour de croisade en 1250) fut surnommé par la suite Pierre Mauclerc. Ce nom signifierait ou bien « clerc qui a mal tourné » (il aurait étudié, dans sa jeunesse prime, pour embrasser une carrière ecclésiastique) ou bien « celui qui est contre les clercs » (par allusion à ses heurts fréquents avec le clergé breton et à une politique souvent anticléricale). Venu d’Ile de France (il est fils de Robert II de Dreux, l’un des principaux vassaux du comte de Champagne). Il est un étranger pour les Bretons et ne sera donc pas officiellement duc mais « bailliste » du duché, titre qu’il obtient par son mariage avec Alix, héritière de la famille ducale. En 1213, le roi de France, Philippe Auguste, fidèle à sa politique de centralisation hexagonale, a véritablement en main les destinées de l’Armorique et exige de Pierre de Dreux l’hommage lige (c’est le lien plus étroit et le plus contraignant de la vassalité). Mauclerc doit s’exécuter et il restera fidèle à son serment jusqu’en … 1224 !
En dépit de ce lien de vassalité et dès son accession au trône, l’ambition du « bailliste » (son fils, Jean Ier le Roux, œuvrera dans le même sens) sera de faire de la Bretagne un véritable état : réalité économique dotée d’une organisation administrative élaborée et soutenue par un puissance militaire significative.
Dès 1232, le château de Saint Aubin du Cormier prouvera son utilité. Les troupes du roi de France, Louis IX (que certains appellent Saint Louis) l’assiègent mais sans succès. Rappelons que, 3 ans plus tôt, Pierre Mauclerc, soucieux de s’affranchir de la « protection » de son voisin français, a fait hommage du duché au roi d’Angleterre Henri III.
En 1234, malgré tout, Pierre Mauclerc doit céder devant la force (l’alliance anglaise ne lui apporte pas l’aide militaire souhaitée) : il rejoint la mouvance française et le château de Saint Aubin est remis en gage aux troupes de Louis IX. A la majorité de son fils Jean (1237), Pierre abandonne, comme promis, toute activité politique et s’engage dans l’expédition de Louis IX en Égypte. Joinville en parle alors comme d’un chevalier assagi et digne d’éloges en tous points.
Le château et la bourgade de Saint Aubin vont ensuite profiter de quelques décennies de paix qui vont permettre un développement économique important dans tout le duché.
Vers 1430, sous le règne du duc Jean V de Montfort, la bourgade est « emmuraillée » et le château est remanié. Le désir de paix du duc et sa prudence politique ne l’empêche pas de se garder à ses frontières. La Bretagne vit en effet une période de sécurité et de prospérité relative près d’une France à feu et à sang mais, dans les zones frontalières, les incursions incessantes de routiers de tous bords obligent à la vigilance.
Trente ans plus tard, la situation est beaucoup moins calme : sous Louis XI, les ducs de Bretagne participent aux dernières grandes révoltes féodales. Ainsi, en 1465, François II adhère à la ligue du Bien Public et 10 000 soldats bretons sont engagés contre les Français. Les années passent en escarmouches qui ne donnent pas vraiment l’avantage à l’un ou l’autre camp.
En 1487, la guerre ouverte avec la France devient inévitable. Plusieurs barons bretons, partisans du rattachement à la France et regroupés derrière le maréchal de Rieux, reconnaissent les droits de Charles VIII à succéder au duc (qui n’a pas d’héritier mâle). Pour parfaire la trahison, ils obtiennent l’aide de 6 000 soldats soldés par le roi de France. L’armée française est en réalité forte de 15 000 hommes répartis en trois corps et pourvu d’une artillerie d’excellente qualité. Cette armée échoue malgré tout devant Nantes (juin à août 1487) et le maréchal de Rieux (fin capitaine de guerre) se rallie alors au duc redonnant ainsi un peu d’espoir aux Bretons.
Mais le 19 juillet 1488, les troupes françaises de la Trémoille enlèvent, grâce à leur artillerie, le château de Fougères malgré la résistance de ses 3 000 défenseurs. Le château de Saint Aubin du Cormier ainsi que Vitré sont aux mains des Français depuis l’automne 1487. Le 28 juillet, à quelque pas de la bourgade, dans les landes d’Usel qui bordent l’étang d’Ouée, les 15 000 Français tombent sur les 11 000 soldats bretons (il y a avec eux des archers anglais) que Rieux a rassemblé à la hâte. L’engagement ne dure que 4 heures mais c’est un véritable carnage : 6 000 bretons restent sur le terrain alors que les Français ne déplorent que 1 500 victimes. Les vainqueurs ne font pas de prisonniers : tous les combattants qui portent la croix noire (signe distinctif de l’armée bretonne hérité des croisades) sont exécutés.
Le duc François II, vaincu et moralement abattu, est contraint à la reddition et la paix est signée le 20 Août 1488. Le vieux duc ne survivra pas à l’humiliation : il meurt en septembre.
A titre de gage, le roi de France conserve plusieurs villes fortifiées : Saint-Malo, Fougères, Dinan et Saint Aubin du Cormier qu’il gardera si « le duc mariait les dites dames (= ses filles dont Anne) sans son consentement », comme il est stipulé dans le traité du Verger.
Les troupes d’occupation y sont toujours en 1490 et le château sera démembré avant leur départ.
En 1491, la fille de François II, Anne de Bretagne, devient reine de France en épousant Charles VIII, le vainqueur de Saint Aubin du Cormier.
Les ruines aujourd’hui :
La forteresse comprenait un ensemble de 10 tours dont un formidable donjon et formait un quadrilatère de 100 mètres sur 30. Il ne reste que la moitié nord du donjon et les bases des autres tours. On retrouve également quelques lambeaux du corps de logis et du mur de la chapelle. L’enceinte extérieure, intégrée maintenant dans les constructions du bourg, garde la trace de trois grosses tours en demi-lune et du rempart sud qui domine l’étang.
Entrée libre et gratuite.
(attention à certaines ruines qui semblent défier les lois de l’équilibre).
Office du tourisme du Pays de Fougères
2, rue Nationale
35300 Fougères
02.99.94.12.20
www.ot-fougeres.fr