MARION du FAOUET

MARION du FAOUET

De Robin des Bois à Jessie James, chaque époque, chaque pays entretient le souvenir de son « brigand bien-aimé ». Tout le monde connait Louis Mandrin, roué vif à Valence (Drôme actuelle) en 1755 au moins grâce à « la Complainte de Mandrin ». Quelques années auparavant, Jean Dominique Cartouche, roué vif lui aussi (en 1721) mais à Paris, en place de Grève, avait fait le bonheur des gazettes où il était décrit comme le roi de Paris à un moment où le régent, Philippe d’Orléans, peinait à asseoir son autorité. En Bretagne, l’épisode de la conjuration de Pontcallec (décapité à Nantes en 1720) est là pour le rappeler.

Trois ans avant l’exécution du gentilhomme breton, en 1717 donc, naissait à Porz en Haie, à quelques lieux du Faouët, Marie Louise Tromel qui prendra place au panthéon des brigands sympathiques, ceux qui détroussent les nantis pour aider les démunis. Elle restera dans l’histoire (bien mâtinée de légende, il faut le dire) sous le nom de Marion du Faouët.

Félicien Tromel, son père, est ouvrier agricole : il loue ses bras à la journée mais le travail est aléatoire et les salaires misérables (au mieux six sols par jour, plus souvent quatre). Marie Louise connait donc très tôt la pauvreté. Elle apprend à mendier, activité courante en Bretagne dans ce siècle dit « des Lumières ».


Détail de « Mendiants » de P. Mathey (1923)

En Bretagne, ce siècle porte mal son nom et c’est une période bien « sombre ». La province connait des crises importantes de mortalité. Les mauvaises récoltes enchainent disette et flambée des prix. La misère se répercute sur l’état physiologique des populations. Stéphane Perréon (« L’armée en Bretagne au XVIIIème siècle ») cite l’exemple de la région de Landerneau où 89 % des hommes qui tirent au sort pour entrer dans les milices sont déclarés inaptes parce que trop chétifs … En 1743, le curé de Campénéac, près de Ploërmel, parle de « pauvres … qui ressembloient à des spectres, à des gens venus de l’autre monde ».


Marion telle que l’imagine Catherine Gorne-Achdjian
pour le roman de Yvonne Chauffin (LIV’EDITIONS 1997)

La petite Marie Louise Tromel arrive donc dans un monde où seuls, les moins faibles, à défaut des plus forts, survivent et il semble qu’elle prenne conscience très tôt de cette fatalité. Elle accompagne sa mère qui, entre deux maternités, parcourt les villages, les foires, les pardons pour essayer de placer quelques menus objets de mercerie : lacets, fils, aiguilles, … Marion se jure qu’elle ne connaîtra pas cette vie de misère et elle aide parfois le destin en volant aux étals (les tentations sont nombreuses) ou en délestant quelque bourgeois d’une bourse trop visible.

En 1735, elle rencontre Henry Pezron que l’on surnomme Hanvigen. Il deviendra le principal compagnon, l’amant préféré (elle n’est pas exclusive et bien d’autres partageront sa couche !). L’année suivante, elle accouche de son premier enfant et c’est dans ces temps-là que se constitue vraiment la bande de Marion que l’on appelle aussi Finefond (celle qui est fine et rusée).

En 1743, Henry Pezron est arrêté avec quelques complices et Marion se charge de le faire évader après quelques mois de prison. La bande reprend ses activités et se renforce, comptant jusqu’à 80 affidés. Le théâtre des opérations s’agrandit : on signale la troupe aussi bien à Quimper qu’à Vannes, parfois à Ploemeur et la région de Carhaix.

Mais la renommée de la troupe Finefond finit par inquiéter les autorités et la traque s’organise. Marion et Henry sont arrêtés avec deux autres complices dans la région de Ploerdut. En début d’année 1746, à Hennebont, les 4 brigands sont condamnés à être pendus. Ils obtiennent cependant la « grâce de l’appel » et sont transférés à Rennes où s’ouvre un second procès. Hanvigen prend à son compte toutes les activités de la bande et, pour lui, la sentence est confirmée (il sera pendu le 28 mars 1747). Ses deux comparses sont absous et Marion échappe elle aussi à la corde. Elle est malgré tout fouettée nue en place publique et marqué au fer rouge du « V » des voleurs. La liberté qu’on lui accorde alors est assortie d’une interdiction de séjour dans son pays du Faouët.

Bien entendu, elle y retourne sans tarder et retrouve une bonne partie de sa bande. Les affaires reprennent donc mais le coeur n’y est plus : après la disparition d’Henry, Marion n’est plus la même.

Pendant 7 ans, malgré tout, elle continue d’écumer la région sans être vraiment inquiétée. Mais en septembre 1747, son frère Joseph, au cours d’une rixe d’ivrognes, blesse à mort un bourgeois du Faouët, le sénéchal Guyet. C’en est fini du semblant de connivence qui existait entre les habitants et les « Finefond » : le sang a coulé. Même le clergé s’en mêle et Marion est désignée à la vindicte populaire lors des prêches du dimanche.

En juin 1748, à nouveau enceinte, elle est interpellée à Auray et accouche dans la nuit qui suit son arrestation. Les juges de Vannes sont cléments (et elle sait y faire …) : ils la relâchent aussitôt.

Suivent 4 années d’errance avant que Marion ne se retrouve derrière les barreaux à Carhaix dans un premier temps puis à Quimper d’où elle s’évade en sciant les barreaux de sa prison (10 septembre 1752).

Mais la justice ne la lâche plus et elle doit aller de cachette en cachette. C’est finalement à Nantes qu’elle est arrêtée pour délit de vagabondage puis reconnue par une personnes de Gourin. Elle est transférée à Quimper où elle sera jugée. Elle a beau nier tous les chefs d’accusation qu’on lui impute (pas moins d’une vingtaine … mais les autorités ne savent pas tout !), la sentence est prévisible et le 17 mai 1755, la Marion du Faouët est pendue en place publique.


Les Pendus(Pisanello) détail

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