Poêmes BwS

Poêmes BwS

Dans les années 1950, Bernard Wolf – Seyches était adolescent à Lyon (un gone, comme on dit là-bas …) et se révoltait déjà sur son cahier d’écolier. J’étais moi-même tout petit (même pas un gône …), en Bretagne centrale. Le hasard a voulu qu’un demi-siècle plus tard nous nous retrouvions à bord d’une péniche ancrée sur le Rhône. Depuis août 2000, nous sommes ensemble le lundi après-midi autour de gens comme il est question dans le poème « je vous salue, Marie« .


le siège de l’Association Péniche Acceuil

Ces poèmes et quelques autres seraient prochainement édités, à compte d’auteur. En avant-première, l’auteur m’a autorisé à en reproduire 2. Le premier est universel, la misère n’ayant pas de frontières. Pour le second, il faut un peu connaître Lyon pour tout comprendre …

Bien entendu, toute reproduction de ces textes est soumise à autorisation préalable.

POEMES ACNEIQUES – B.W.S. – 1950/53

Je vous salue, Marie …

Par dessus un ciel ahuri de silence
Des toits d’ardoise bleu
De l’eau
Froide, verte l’eau
Fraîche l’eau
Des chapelles de rouges tuiles.
Valsent les ponts du Rhône
Sur l’eau du ciel.
Lugdunum
Cités de brumes et de soleil
Ta fille, Marie, se meurt
Marie
Marie, la cloche !
Un soir
C’était dessous un pont
Un pont du Rhône
Il charriait vite
Le con
Sous la troisième arche
Vers la nuit lépreuse
Un homme s’est jeté
Dans la froide eau
Marie était saoule, saoule !
Marie !
Ce soir là
Il bruinait
Il bruine toujours sur la Croix Rousse
Des phares traversaient la nuit
Une féerie que je vous dis
Une vraie féerie
Emue, Marie ?
Pas godasse, ma vieille
Jactes pas, miaules pas.
T’es une bonne cloche qu’ils disent les autres,
Les autres !
Et ce soir là
A l’ombre rougeoyante d’un rouge feu
Sous une couverture humide qui pue
Tu cries
Avec ta gueule cassée
C’est moi : Marie la juive et la Marie putain !
Marie vilaine
Vilaine !
Marie couches-toi là
Et tais-toi
Tais-toi, tais-toi
Qu’ils ont crié les autres
Laisses nous rêver
Rêver, rêver
Là-bas à Ainay
Dans la cité des cloches
Les battants sonnent
Rhône, gone, gone, Rhône
Le minuit !
Je vous salue Marie qu’ils ont dit pour rire
Je vous salue Marie par ta vieillasse saoule
Marie crucifiée
Marie pucelle
Marie salope
Le pont lézardé
Glissée sous l’arche avec courant d’air
La lune blanche
Des jours d’eau
Par dessus, le vent du ciel
La flamme bleue s’étire et chante
Son vieux
Qu’il lui a dit en se courbant la tête
Je te salue Marie, Marie vieillarde
Vieillasse aux rouges poux
Sous l’arche des ponts du Rhône
Des hommes rêvent, rêvent, rêvent …

L’OURSE VERTE

Beffroi des brouillards
Croche la tempête
Crache le cafard
Crèche l’ourse verte
Cité des brouillards
Des brumes
Des thunes
L’ourse verte fume

La vierge du Rhône
Mignarde et noire
Sa bouteille à Beaume
Du Beaujolais
Voire
Clairette de Die
Ou Saint Emilion
Sur les quais du Rhône
En tenant son gone
S’en va à tâtons

Par les quais qui fument
Echarpes de brume
Le fleuve allume
L’eau de ses lampions
La Croix Rousse triste
Feuille mauves, bistres
Ses collèges à pions
Ses traîne-soutannes
Croassent, croassent
Saintes confessions

A Fourvière se traînent
L’œil en coin, tous longs
Les croque-mitaines
De la Sainte-Onction

Beffroi des brouillards
Croche la tempête
Crache le cafard
Crèche l’ourse verte
Cité des brouillards
Des brumes
Des thunes
L’ourse verte fume.

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